De l’historique de la gestion axée sur les résultats dans les politiques publiques! Back to top
Le type de gestion publique à mettre en œuvre constitue un aspect fondamental pour l’action des gouvernements des états modernes qui font face à une opinion publique de plus en plus exigeante. Dans le contexte mondial marqué par la domination du modèle capitaliste (l’idéologie néolibérale), la gestion axée sur les résultats a fini par devenir un cadre de gestion promu et adopté par un nombre de plus en plus important de pays, aussi bien dans le Nord que dans le Sud. Nous faisons ici une brève présentation des concepts de base qui fondent la GAR et de l’historique de son apparition et de son développement pour aboutir à la place qu’occupe ce cadre de gestion dans l’administration publique moderne du 21e siècle.Back to top
Une politique publique est un document ou un programme
gouvernemental qui définit de manière plus ou moins précise les actions
et les ressources pour les réaliser dans les secteurs de la vie
publique. L’objectif des actions envisagées peut être d’influencer ou de
contrôler de manière directe ou indirecte l’action des personnes
physiques ou morales. Pour Turgeon, J. et J.-F. Savard (2012), «une
politique publique est un document rédigé par des acteurs
gouvernementaux présentant leur vision d’un enjeu susceptible d’une
action publique et, accessoirement, les aspects légaux, techniques,
pratiques et opérationnels de cette action. Peut aussi être qualifié de
politique publique, le processus au cours duquel des élus décident d’une
action publique sur un enjeu pour lequel certains acteurs
gouvernementaux ou non gouvernementaux exigent une intervention».
Turgeon, J. et J.-F. Savard (2012). « Politique publique », dans L. Côté
et J.-F. Savard (dir.), Le Dictionnaire encyclopédique de
l’administration publique, [en ligne], www.dictionnaire.enap.caBack to top
Le management public est selon Charest (2012) «un ensemble de
processus et d’outils visant à atteindre une performance optimale d’une
organisation vouée au service public». Cette définition met l’accent sur
la notion de performance des organisations qui fournissent des services
publics et confirme la tendance à la recherche de la productivité avec
l’influence du néolibéralisme. Pour l’auteur, les notions de délégation
de pouvoir, d’imputabilité ou d’efficience sont également centrales dans
cette approche qui «amène une nouvelle façon de voir et de concevoir la
manière de gérer la chose publique». Aussi, les organisations
internationales ont contribué à l’implantation du management dans les
administrations publiques aussi bien dans les pays développés que dans
les pays en développement, dans un contexte de remise en cause et de
critique de la bureaucratie.
Charest, N. (2012). « Management public », dans L. Côté et J.-F. Savard
(dir.), Le Dictionnaire encyclopédique de l’administration publique, [en
ligne], www.dictionnaire.enap.caBack to top
Gow, J. I. (2012), définit l’imputabilité comme «l’obligation
imposée à une personne, à qui une responsabilité fut déléguée, de rendre
compte de la façon dont elle s’en est acquittée. C’est la reddition de
comptes concernant l’utilisation de pouvoirs et de ressources attribués à
une personne ou à une unité organisationnelle en vue de la réalisation
d’objectifs. Il traduit le mot anglais accountability». Le concept
d’imputabilité est fondamental dans la GAR. Il est à mettre en rapport
avec les notions d’autonomie et de décentralisation qui permettent de
donner plus de marge de manœuvre et de responsabilité aux institutions
et aux acteurs qui produisent les services publics. L’imputabilité
serait une contrepartie de l’autonomie.
Gow, J. I. (2012). « Imputabilité », dans L. Côté et J.-F. Savard
(dir.), Le Dictionnaire encyclopédique de l’administration publique, [en
ligne], www.dictionnaire.enap.caBack to top
Le néolibéralisme renvoie à une idéologie qui est apparue dans les
années 40 et qui va se développer et s’imposer dans la gestion publique
en quelques décennies. Pour Gill, L. (2008), «le terme « néolibéralisme »
désigne le courant de pensée et de politiques économiques qui s’est
implanté à partir de la fin des années 1970 en Grande-Bretagne et aux
États-Unis, pour se généraliser à l’échelle mondiale au cours des deux
décennies suivantes et régner dès lors en maître absolu, prétendant
soumettre toute l’activité économique et sociale aux seules lois du
marché». Le terme est aujourd’hui utilisé avec une connotation
péjorative notamment en raison des écarts de richesses qui se sont
développées dans la même période que son expansion. Pour les opposants
au néolibéralisme, la libéralisation complète des échanges de
marchandises et des mouvements de capitaux, la rationalisation, la
flexibilité du marché du travail, la globalisation, les privatisations
du secteur public, le désengagement de l’État, etc. sont autant de
causes de l’accroissement de la pauvreté.
Gill, L. (2008). Le néolibéralisme. Montréal : Chaire d’études
socio-économiques de l’UQAM. 2e édition entièrement revue et mise à
jour, 2004, 84 pp.Back to top
Selon Divay (2012), la notion de décentralisation est utilisée en
administration publique pour caractériser des tendances dans
l’organisation interne de chaque institution publique ou dans la
configuration d’ensemble des institutions d’un pays, plus spécifiquement
dans les relations entre l’État et les organisations non publiques,
ainsi que dans les relations entre les instances centrales de l’État et
toutes les autres institutions publiques. La décentralisation est l’une
des approches utilisées dans le management public pour favoriser la
performance des organisations publiques. Elle va de pair avec
l’imputabilité et la reddition des comptes dans les modèles de GAR.
Divay, G. (2012). « Décentralisation », dans L. Côté et J.-F. Savard
(dir.), Le Dictionnaire encyclopédique de l’administration publique, [en
ligne], www.dictionnaire.enap.caBack to top
Pour Mazouz et Leclerc (2008) «la notion de résultats renvoie à
quatre catégories d’extrants, spécifiques et mesurables, qui doivent
servir d’indicateurs de la performance aux gestionnaires d’un système
public d’offre de services en quête de performance. Il s’agit de :
• Résultats de prestation : directement liés aux attributs physiques ou
perceptuels des services offerts aux citoyens (population et
entreprises).
• Résultats de gestion : liés aux processus internes de l’organisation
(activités, tâches, interdépendances, rôles et responsabilités, coûts et
délais), ces résultats traduisent la capacité managériale des équipes
de direction et des autres employés à concevoir, à mettre en œuvre et à
ajuster des pratiques et des outils de transformation des ressources
mises à leur disposition en biens et services à livrer à la population,
aux entreprises ou aux institutions.
• Résultats d’orientation (ou de changement stratégique) : basés sur des
réalisations qui découlent de choix stratégiques, de restructurations,
de projets ambitieux, de révisions de processus d’affaires, etc.
• Résultats d’amélioration globale : en somme, c’est en livrant
simultanément des services de plus haute qualité aux citoyens ou aux
institutions, en faisant preuve d’optimisation de ressources et de
moyens mis à la disposition de l’organisation et en déterminant, de
manière transparente et responsable, les effets des choix stratégiques
effectués par la direction qu’il est possible d’évaluer sa performance
globale».
Mazouz, B. (2012). « Gestion par résultats », dans L. Côté et J.-F.
Savard (dir.), Le Dictionnaire encyclopédique de l’administration
publique, [en ligne], www.dictionnaire.enap.caBack to top
Selon Maltais (2012), qui reprend une définition de l’OCDE, le
concept de performance peut être défini comme « le rendement ou les
résultats d’activités effectuées dans le cadre d’objectifs poursuivis.
Sa finalité est de multiplier les cas dans lesquels les pouvoirs publics
atteignent leurs objectifs » (OCDE 2005, p. 65). Pour lui, parler de
performance, c’est réfléchir tant sur les résultats ultimes que l’on
cherche à produire que sur les moyens appropriés pour y parvenir. La
notion de performance organisationnelle renvoie à l’efficience (rapport
entre les résultats et les moyens pour les produire) dans l’action de
l’organisation.
Maltais, D. (2012). « Performance et gestion de la performance », dans
L. Côté et J.-F. Savard (dir.), Le Dictionnaire encyclopédique de
l’administration publique [en ligne], www.dictionnaire.enap.caBack to top
Pour Charbonneau (2012), «Le nouveau management public est un modèle
de gestion de l’administration publique érigé en opposition au modèle de
gestion bureaucratique». Il est d’inspiration néolibérale et consacre
le transfert des modes gestion privés dans la gestion publique. Les
partenariats public-privé et la privatisation de certaines activités de
l’État, la professionnalisation et la plus grande autonomie des
gestionnaires de l’action publique, ainsi que l’imputabilité et la
reddition des comptes sont à mettre sur le compte du nouveau management
public.
Selon Charbonneau (2012), le nouveau management public s’appuie sur la
gestion par résultats, la concurrence entre les unités administratives
et les incitations individuelles à la performance et met l’accent sur
l’efficience, le contrôle des coûts, la qualité des services offerts aux
clients et la flexibilité organisationnelle. Selon elle «Christopher
Hood est celui qui proposa la dénomination nouveau management public
(new public management) dans un article publié en 1991. Par cette
appellation, il cherchait à décrire les tendances qu’il observait, avec
d’autres, dans les réformes administratives récentes qu’avaient connues
bon nombre de pays de l’OCDE».
Charbonneau,M. (2012). « Nouveau management public », dans L. Côté et
J.-F. Savard (dir.), Le Dictionnaire encyclopédique de l’administration
publique, (en ligne), www.dictionnaire.enap.caBack to top
Rigaud (2012) définit la gouvernance publique comme «étant un
domaine d’étude interdisciplinaire portant sur les relations de pouvoir
entre les autorités publiques, la société civile et le marché, dans un
contexte de transformation de l’aptitude des communautés politiques à se
diriger légitimement et à agir efficacement». Il reprend la
classification de Lukes à savoir «des relations d’autorité – autorité
émanant de l’État, mais également du marché en application de
dispositions contractuelles –, des relations d’influence et de
persuasion, de contrainte, de coercition et de manipulation (Lukes,
2005)». Le concept gouvernance publique est en lien étroit avec la
notion d’opinion publique et de société civile qui sont chers aux
néolibéraux.
Rigaud, B. (2012). « Gouvernance publique », dans L. Côté et J.-F.
Savard (dir.), Le Dictionnaire encyclopédique de l’administration
publique, [en ligne], www.dictionnaire.enap.caBack to top
le concept d’État-Providence renvoie à une conception
interventionniste de l’État qui intervient et régule les domaines
économiques et sociaux. Cette conception est apparue dans les années 30
et va se développer dans la période suivant la Seconde Guerre mondiale
appelée les «trente glorieuses». L’État providence fait de la
redistribution des richesses et de la prise en charge des risques
sociaux une priorité et un moyen d’atteindre la justice sociale. Connu
sous le nom « Welfare State », l’État providence s’est développé au
Royaume-Uni, aux États-Unis et dans les pays scandinaves afin d’éviter
l’implosion du capitalisme, par l’instauration d’un système de
redistribution des richesses vers les plus pauvres. Aussi son principe
sera remis en cause devant la crise économique des années 70 et 80 (http://www.toupie.org/Dictionnaire/Etat-providence.htm consulté le 27 mai 2013).
Gestion par résultats (GAR) : Selon Mazouz (2012), «la gestion par
résultats (GPR), ou la gestion axée sur les résultats, est un cadre de
gestion de la performance publique articulé autour de trois liens
logiques établis entre la qualité des services aux citoyens,
l’optimisation des ressources et des moyens disponibles et
l’imputabilité des gestionnaires publics. Cette définition met l’accent
sur la place centrale des résultats qui deviennent le principal
indicateur de la performance des organisations publiques. C’est le cadre
de gestion institué par le nouveau management public qui y trouve
l’opérationnalisation de certains de ces principes comme la qualité
continue ou la qualité totale. Les outils, les principes, les processus,
les conditions de réussite et l’évaluation de la GAR font référence à
de nombreux principes et approches tirés du management, du
néolibéralisme et de la gouvernance publique.
Mazouz, B. (2012). « Gestion par résultats », dans L. Côté et J.-F.
Savard (dir.), Le Dictionnaire encyclopédique de l’administration
publique, [en ligne], www.dictionnaire.enap.caBack to top
La crise économique des années 30 est à l’origine de l’effondrement
du commerce mondial et de l’économie de nombreux pays occidentaux.
Pendant toute la décennie, les problèmes sociaux connaissent une
flambée. Le chômage, les problèmes de santé et la pauvreté atteignent
des niveaux particulièrement élevés et touche toutes les classes
sociales. Au Canada par exemple, le chômage touche 30 p. 100 de la
population active et 20 p. 100 des Canadiens dépendent de l’aide
gouvernementale pour survivre. L’État devient le dernier recours d’une
frange importante de la population et organise alors l’aide de
différentes manières, depuis la distribution de vivres jusqu’à la
l’offre d’emploi aux chômeurs. Le gouvernement Benett mettra en place la
banque du Canada en 1934 dans le but de réglementer la politique
monétaire. La création de la commission canadienne du blé en 1935 visait
à contrôler la commercialisation du blé notamment en fixant des prix
planchers pour protéger les revenus des producteurs. Un troisième
exemple de l’interventionnisme croissant de l’État est la mise en place
du programme national d’assurances chômage et d’un service d’emploi par
le gouvernement canadien (http://www.thecanadianencyclopedia.com/articles/fr/crise-des-annees-30 consulté le 27 mai 2013).
En Europe également, le chômage et la pauvreté se développent en même
temps que des idées communistes. Les états réagissent en prenant des
mesures de protection de l’économie comme la déflation ou l’institution
de barrières douanières avec la surtaxe et la limitation des produits
importés. Dans les pays où les dictatures de type nationaliste ont pris
le pouvoir, les grands travaux et l’industrie de l’armement permettent à
l’État de réduire le chômage. C’est le cas en Italie et en Allemagne.
Ces interventions de l’État dans le domaine économique sont inspirées
des théories de l’économiste anglais John Maynard Keynes qui dans son
ouvrage Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie
(1937), préconise et défend l’intervention de l’État dans l’économie (http://www.philisto.fr/cours-87-la-crise-des-annees-1930.html consulté le 27 mai 2013).
Aux États-Unis, le gouvernement subventionne l’agriculture pour
maintenir la stabilité sociale au lendemain de l’arrêt des importations
européennes. Le gouvernement fédéral propose des prêts aux États
fédéraux pour les aider à subventionner la lutte contre le chômage. Les
travaux publics sont utilisés pour soutenir l’emploi (http://fr.wikipedia.org/wiki/Ann%C3%A9es_1930 consulté le 27 mai 2013).
Au-delà des effets sur l’économie et la démographie, la crise des années
30 modifiera considérablement les conceptions de l’économie et du rôle
de l’État. En effet, de nombreuses réformes politiques visent à
accroitre l’intervention de l’État pour amorcer la relance économique.
Le renforcement du rôle de l’État en matière d’économie et d’aide
sociale sera à l’origine de la mise en place de nombreux instruments et
mécanismes publics de protection, de prise en charge et d’organisation
de différents aspects de la sphère publique (http://www.thecanadianencyclopedia.com/articles/fr/crise-des-annees-30 consulté le 27 mai 2013).
La fin des années 30 sera marquée par le commencement de la Seconde
Guerre mondiale qui sera également un facteur de déstructuration et
d’affaiblissement de l’économie, surtout en Europe. Au sortir de cette
guerre, le vieux continent ne survivra et ne se reconstruira qu’avec
l’aide des États-Unis. En effet, le «plan Marshall» avait pour but
d’aider à la reconstruction de l’Europe au lendemain de la guerre. La
mise en œuvre de ce plan sera le point de départ d’une longue période de
croissance et de prospérité qui va s’étendre sur trois décennies. Cette
période est communément appelée «les trente glorieuses». L’expression a
été inventée par l’économiste français Jean Fourastié (1907-1990) dans
son livre « Les Trente Glorieuses, ou la révolution invisible de 1946 à
1975 », publié en 1979. Elle fait référence aux « Trois Glorieuses », les
journées révolutionnaires des 27, 28 et 29 juillet 1830 (http://www.toupie.org/Dictionnaire/Trente_glorieuses.htm
consulté le 27 mai 2013). Durant cette période, les États
réinvestissent les fruits de la croissance économique dans des
programmes économiques et sociaux destinés à améliorer les conditions de
vie des populations. Cette redistribution des revenus se fait dans une
visée de justice sociale et d’égalité des citoyens. C’est une période
aussi où l’état massifie sont appareil administratif qui assure la
gestion des nombreux services offerts aux citoyens. Le développement de
cette bureaucratie se fait sous l’influence des théories de Weber, d’où
le concept de «bureaucratie wébérienne».
L’interventionnisme de l’État ne s’arrête pas à la sphère sociale, mais
concerne aussi l’économie. En effet, pour stimuler la croissance et
l’initiative privée, l’État procède à de grands investissements
notamment avec des projets d’infrastructures qui favorisent le plein
emploi et le développement des entreprises. Le développement de la
société de consommation et la croissance démographique (baby-boom) et du
pouvoir d’achat favorisent aussi le dynamisme de l’économie. En France,
«le Produit intérieur brut (PIB) a été multiplié par 4,5 entre 1947 et
1973, ce qui correspond à une croissance annuelle moyenne record de
5,9%». Pour Pierre Tourev, la durée de cette période de croissance peut
s’expliquer par :
• le travail des femmes qui augmente le revenu du foyer,
• le « baby-boom » et l’accroissement de l’espérance de vie qui augmentent le nombre de consommateurs,
• la sécurisation des revenus par l’État-Providence : création de la
Sécurité sociale, des Allocations Familiales, des régimes de retraite,
instauration en 1950 du salaire minimum interprofessionnel garanti
(SMIG),
• l’augmentation de la durée des congés payés (troisième semaine de
congés payés en 1956, et quatrième en 1965) qui favorise le
développement des dépenses de loisirs.
(http://www.toupie.org/Dictionnaire/Trente_glorieuses.htm consulté le 27 mai 2013).
Cette période de prospérité prendra fin avec une autre crise du commerce
mondial. En effet, c’est le choc pétrolier de 1973 qui sonnera le glas
des trente glorieuses. Le ralentissement économique des années 70
aboutira à une autre crise économique majeure dans les années 80. Cette
période verra la propagation des théories néolibérales hostiles à
l’interventionnisme de l’État qui a caractérisé les trente glorieuses.Back to top
Le développement des idées néolibérales se fait à la faveur des
critiques de l’administration publique qui est jugée être inefficace et
inefficiente. Selon Mazouz et Leclerc (2011 p. 8), «les déficits
démocratique et budgétaire auront fini par discréditer tous les acteurs
œuvrant au sein de la sphère publique, y compris l’État lui-même, ses
élus, ses fonctionnaires, ses politiques, ses programmes et ses projets
comme toutes ces actions. […] La mise en œuvre des politiques publiques
est jugée trop couteuse, même celle des politiques qui s’avère les plus
vitales et les plus stratégiques pour les pays concernés». Ces critiques
dans un contexte de rareté des ressources publiques due à la crise vont
favoriser des réformes majeures de l’administration publique. Pour
atteindre l’efficacité et l’efficience dans la gestion publique, la
bonne gouvernance et le management public vont faire leur apparition.
Pour Mazouz et Leclerc (2011 p.8), les spécialistes de la sphère
publique voient dans les réformes de l’État et de l’avènement de la
bonne gouvernance publique et du nouveau management public la solution à
la faiblesse des performances.
Charest (2012) abonde dans le même sens. Pour lui aussi, les critiques
du discours néolibéral sur les interventions et la qualité de la gestion
publique dans les années 70 et 80 favorisent l’adoption des pratiques
du secteur privé qui sont jugées plus efficaces et perçues comme «un
élixir pour les problèmes vécus par les administrations publiques
(Rainey, 1990, p .166)».
À la faveur de cette perception, l’administration publique caractérisée
par la bureaucratie wébérienne, va connaitre une profonde refondation.
En effet, la rationalité managériale va faire son entrée dans la sphère
publique, non sans tensions avec la rationalité juridico-administrative
qui y avait jusque prévalue. Mais la priorité donnée à la performance et
l’adaptation du management privée au contexte public vont donner
naissance au nouveau management public. Charest (2012), déclare à ce
propos que «cette redéfinition entraîne inévitablement des tensions
entre deux rationalités, celle managériale d’une part et celle
juridico-administrative d’autre part, tensions qui provoquent un choc
entre le culte de la performance et le respect des règles et des
procédures et qui s’apaisent lorsque le management perd certains aspects
de la rationalité du privé, dont la notion de profit, pour en acquérir
de la rationalité du public, par exemple, l’équité. Le management
devient alors public (Payette, 1992, p. 8) et dorénavant l’État gère, il
n’administre plus (Savoie cité dans Payette, 1992, p. 5-6)».
De son coté, Charbonneau,M. (2012), nous donne l’historique du concept
et souligne que «pour plusieurs auteurs, l’événement qui consacra
l’émergence du nouveau management public est la réforme de
l’administration britannique entreprise dans la mouvance du
néolibéralisme naissant, lors de l’arrivée au pouvoir de Margaret
Thatcher en 1979». Pour elle, Hood (1991) décrit le nouveau management
public comme une recherche de frugalité en référence à l’expérience
britannique. Charbonneau cite également l’ouvrage de David Osborne et
Ted Gaebler (1992) comme référence majeure dans la construction du
concept du nouveau management public. «Les auteurs prescrivirent de
développer l’esprit d’entrepreneuriat des gestionnaires de
l’administration publique américaine et de rapprocher l’administration
des clients consommateurs comme remède à la bureaucratie» David Osborne
et Ted Gaebler (1992).
L’idéologie néolibérale aura donc triomphé de la bureaucratie wébérienne
dont les limites auront été accentuées par la rareté des ressources
publiques engendrée par la crise économique des années 80. Depuis cette
période, le nouveau management public dicte les réformes de
l’administration publique, pour qui la performance est devenue un moyen
de survie. En effet, avec le développement de la société civile et de
l’approche client qu’a favorisé le discours néolibéral, les institutions
publiques sont désormais évaluées par les citoyens (contribuables) et
les bénéficiaires des services qu’ils fournissent. Dans le même ordre
d’idées, Charbonneau,M. (2012), trouve que la typologie proposée par
Ferlie et autres (1996) et qui comprend quatre modèles, est encore
d’actualité. «Selon ces auteurs, le premier modèle de nouveau management
public se caractérise par une forte préoccupation pour l’efficience de
l’administration publique, que l’on entend améliorer en ayant recours
notamment à un contrôle hiérarchique serré des processus de travail. Le
deuxième modèle vise à assouplir les structures organisationnelles en
procédant, entre autres choses, à une réduction des effectifs et à une
décentralisation en contrepartie d’un contrôle par contrats. Le
troisième modèle, misant sur l’innovation, cherche à développer une
culture de l’excellence au sein de l’administration publique, alors que
le quatrième modèle, affirmant le caractère distinct des services
publics, en souligne les valeurs propres tout en accordant un plus grand
rôle aux usagers dans les décisions».
Ce contrôle accru et exercé par divers acteurs sur l’action publique est une caractéristique de l’État néolibéral.Back to top
Même si tous les régimes politiques à la tête des états modernes ne
se réclament pas de l’idéologie néolibérale, il n’en demeure pas moins
que l’écrasante majorité des états du monde subissent les influences du
nouveau management public. En effet, les états démocratiques se sont
dotés de politiques publiques de plus en plus libérales notamment sous
l’influence des organisations internationales comme la banque mondiale
et le fonds monétaire international qui font la promotion des principes
du nouveau management public. Il faut dire le capitalisme constitue
aujourd’hui le modèle économique dominant avec la faillite du bloc
soviétique et de son communisme.
Pour Rigaud, B. (2012), la place accordée aujourd’hui à la gouvernance
publique peut expliquer certains changements de démarches dans
l’administration publique. Pour lui, les «relations seraient devenues
plus complexes au cours des dernières décennies dans les sociétés
postindustrielles (Kooiman, 2003) pour un ensemble de raisons qui
tiennent aux changements qu’ont connus les structures de ces sociétés,
notamment l’individualisation et l’atomisation des groupes constitutifs
de la société civile, et les structures politico-administratives lors de
processus de recomposition des échelles de l’action publique au profit
du local ou du suprational». Ces changements sociaux, pour lui, poussent
les gouvernements à s’orienter vers des pratiques de type marchand dans
leurs relations avec les citoyens ou à privatiser certains secteurs de
l’économie publique. Ce qui a favorisé le développement de la
perspective d’augmentation du rendement des services publics. Pour lui,
«les réformes managérialistes des services publics ont eu toutefois pour
conséquences néfastes d’alimenter le cynisme envers les institutions
gouvernementales et leur aptitude à orienter le changement (Rosanvallon,
2006)».
Dans ce contexte où les services publics sont délivrés à des clients, la
performance devait assurer l’augmentation des rendements. Pour se
faire, de manière opérationnelle, la gestion sera axée sur les résultats
qui seront désormais la seule justification de l’utilisation des
ressources et de la satisfaction des citoyens-clients. Il sera alors
développé un cadre de gestion par résultats pour baliser la démarche des
institutions publiques et les aider ainsi à être efficaces et
efficients dans leur mission. L’évaluation et la mesure des résultats
ainsi que leur diffusion sont ainsi devenues indispensables pour
apprécier objectivement l’action des services publics et s’assurer de
l’utilisation optimale des ressources publiques. Les principes et les
processus de gestion axée sur les résultats réservent ainsi une part
importante à la communication et à l’imputabilité des acteurs. Pour
Mazouz et Leclerc (2012), quatre préalables s’imposent aux organisations
publiques qui s’engagent dans une démarche d’amélioration continue de
leurs résultats :
• Impératif organisationnel : connaître la réalité de l’organisation
publique, comme entité à finalité distincte, aux objectifs politisés et
aux ressources limitées, la doterait d’une capacité à comprendre ses
forces et ses faiblesses, les menaces et les occasions à saisir par sa
direction pour augmenter sa marge d’autonomie lors de négociations avec
l’administration centrale;
• Impératif managérial : adopter un cadre de gestion formel qui mise
particulièrement sur la qualité du management des ressources, de
l’interface politico-administrative et de l’offre de service public la
doterait d’une capacité de livraison de services;
• Impératif adaptatif : adapter l’organisation en renouvelant ses
stratégies, ses processus, ses projets, ses structures, sa culture et
son leadership la doterait d’une capacité de changement;
• Impératif d’évaluation : évaluer systématiquement l’organisation, son
cadre de gestion et sa capacité de transformation doterait ses acteurs
d’une capacité d’apprentissage et d’amélioration.
Rigaud, B. (2012), précise que «les démarches visant l’amélioration de
l’efficacité des services publics et celles concernant le renforcement
de la légitimité de l’action publique peuvent entrer en contradiction
(Rosanvallon, 2008; Gattinger, 2009)» si la GAR et les mesures de
désengagement de l’État sont justifiées par la nécessité de s’adapter à
la mondialisation alors que les choix des politiques dépassent la seule
sphère économique et ont d’importants effets sur la distribution du
pouvoir et des ressources dans la société, alors même que la
technocratisation des affaires publiques est souvent contraire à des
principes de bonne gouvernance comme la transparence et la
participation.
La GAR est un cadre de gestion relativement récent qui s’est structuré
et répandu dans les années 90 et 2000 avec le développement du
néolibéralisme. Cependant les mécanismes et les canaux par lesquels il
s’est répandu semblent avoir souvent été plus liés au contexte
économique et à la rareté des ressources publiques. Quelle est place de
ce cadre de gestion aujourd’hui, et quelles sont les critiques et les
difficultés auxquelles il fait face.Back to top
Mazouz et Leclerc (2012) nous disent que la gestion par résultats a
été adoptée par de nombreux gouvernements à suite d’une expérimentation
de 5 à 10 ans. Cette adoption s’est faite à travers le vote d’une loi.
«C’est le cas pour les États-Unis avec la Government Performance and
Results Act en vigueur depuis 1993, pour le Québec avec la Loi sur
l’administration publique entrée en application en mai 2000 et,
finalement, pour la France avec la Loi organique sur les lois des
finances votée en 2001».
À l’instar de l’OCDE qui faisait la promotion de la GAR auprès de ces
États membres, les institutions internationales comme le FMI et la
Banque mondiale jouent aussi un rôle important dans l’adoption de la GAR
dans les pays en voie de développements. En effet, ces institutions
imposent à ces pays des réformes administratives en échange de leurs
financements. Ainsi, depuis les ajustements structurels des années 80 et
90, jusqu’aux cadres de dépenses à moyens terme et aux stratégies de
lutte contre la pauvreté en passant par les OMD, la notion de résultats
est devenue centrale dans ces pays, même si des lois organiques ne sont
pas votées pour l’institutionnaliser.
Maltais (2012) évoque l’accroissement des critères de performances sous
les pressions des citoyens et des élus. Il donne l’exemple des critères
d’économie «que le vérificateur général du Québec définit comme «
l’acquisition au meilleur coût et en temps opportun, des ressources
financières, humaines et matérielles, en quantité et qualité
appropriées» (L.R.Q., chapitre V-5.01)», d’efficacité, d’efficience, de
performance organisationnelle, de profitabilité, «critère […] utilisé
par certains organismes d’État, notamment les sociétés d’État à vocation
commerciale», et d’équilibre budgétaire. Maltais donne également une
liste d’outils ou de pratiques de gestion utilisés pour agir sur les
critères de performances. Il s’agit, «les fonctions de gestion (Fayol,
1916; Gulick et Urwick, 1937), l’organisation scientifique du travail
(Taylor, 1911) et sa version plus contemporaine de la réingénierie du
travail (Champy et Hammer, 1993), la motivation des personnes (Maslow,
1954) ou leur mobilisation (Kernaghan, Marson et Borins, 2001), la mise
en place de mesures ou de systèmes permettant d’améliorer les décisions
(March et Simon, 1958), de gérer les risques, des programmes de
développement des compétences, de qualité de vie au travail,
d’innovation, d’équité en emploi, etc.».
Il évoque aussi les formes d’évaluation de la performance qui aurait
pris de l’importance «lesquelles « peuvent englober des examens de
programmes, une appréciation du rapport coût-efficacité, des examens
sectoriels ponctuels et un examen des dépenses » (OCDE, 2005, p. 67)».
Charbonneau (2012) quant à elle évoque les critiques actuelles formulées
contre la GAR. Pour elle, parmi les revers subis par le nouveau
management public on peut citer les effets pervers de la GAR. Pour Émery
et Giauque (2005) qu’elle cite, «la surabondance d’outils et de données
engendrée par les systèmes de mesure des résultats nuit à la bonne
gestion de l’administration publique, attirant l’attention sur de trop
nombreux détails et ouvrant la porte à une ingérence politique. Pour ces
auteurs, les systèmes de mesure font perdre de vue l’objectif pour
lequel ils avaient été conçus».
Charbonneau évoque également une critique de Dwivedi et Gow (1999), sur
l’origine néolibérale et donc idéologique du nouveau management public
qui consacre sa « non-neutralité ».
L’autre critique majeure évoquée porte sur les fondements du NMP. En
effet, la substitution de la figure du citoyen par la figure du client
et la vive opposition entre la logique marchande et la logique civique
seraient à l’origine des difficultés de légitimation du nouveau
management public tant auprès des citoyens qu’auprès des agents du
secteur public (Émery et Giauque (2005) cités par Charboneau 2012).
«Dwivedi et Gow (1999) réclament dès lors un débat sur les valeurs
promulguées par ce mode de gestion» (Charboneau 2012).
La GAR est donc un cadre de gestion très répandu vu son adoption
volontaire ou contrainte par de nombreux gouvernements. De nombreux
outils et mécanismes ont été développés pour en faire un facteur de
développement des performances des organisations publiques. Des critères
de performances, des pratiques de gestion, des outils et des formes
d’évaluation ont été développées dans ce sens. Cependant, la GAR
n’échappe pas aux critiques qui portent aussi bien sur ces fondements,
ces mécanismes, ces outils que sur ces origines. La remise en cause de
la GAR va jusqu’à la proposition d’alternatives qui intègrent certains
aspects de la bureaucratie.Back to top
La GAR est aujourd’hui l’un des cadres de gestion les plus répandus
dans les services publics dans le monde. Cependant, il n’en a pas
toujours été ainsi. En effet, la GAR trouve ses origines dans le nouveau
management public lui-même fruit de l’idéologie néolibérale qui s’est
développée dans les années 70 et 80. La crise économique à fin des
trente glorieuses aura favorisé le développement du discours néolibéral
hostile à l’interventionnisme de l’État et dénonciateur de
l’inefficacité de la bureaucratie wébérienne. Le triomphe du
néolibéralisme se concrétisera par l’avènement du nouveau management
public dont la GAR est la déclinaison opérationnelle. Elle sera adoptée
par de nombreux pays, mais reste sujette à la controverse. Les
nombreuses critiques qui sont formulées à son encontre n’enlèvent en
rien sa pertinence dans un contexte où les ressources publiques sont
rares et les crises économiques fréquentes.
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