La GAR ou le défi de la performance (efficacité) et de la qualité pour les gestionnaires et les enseignants! Back to top
La GAR entraine de nombreux changements dans la gestion des ressources humaines des systèmes éducatifs. Au même titre que les établissements, l’obligation de résultat impose aux acteurs de changer leurs pratiques d’enseignement et de gestion afin d’adapter leurs interventions aux besoins des clients (Collerette, 2013). En effet, la performance des acteurs est de plus en plus évaluée en fonction des résultats ciblés dans un contrat et évaluer aussi bien au niveau interne qu’au niveau externe. Les acteurs voient leur marge de manœuvre s’accroitre avec l’autonomie et la responsabilité qui leur sont accordées. En contrepartie, enseignants et gestionnaires voient leurs performances sanctionnées positivement ou négativement. Certains pays réforment d’ailleurs leur système dans le sens de renforcer la relation entre résultats et sanctions des acteurs pour améliorer leurs performances. Ce mouvement s’accompagne de renforcement des compétences des acteurs notamment en évaluation et en interprétation de résultats relatifs à la réussite scolaire. Nous verrons ci-après, les implications de la GAR en termes d’autonomie, d’innovation, de collaboration, de responsabilité, et d’évaluation des acteurs du système éducatif. Auparavant quelques concepts seront définis. Pour conclure, quelques points de vue des acteurs sur la GAR en termes d’avantages et d’inconvénients seront présentés.Back to top
Le concept de gestionnaires renvoie à plusieurs acceptions selon qu’on soit aux niveaux intermédiaires et centraux du système éducatif ou des établissements. Dans tous les cas, le gestionnaire scolaire est un cadre qui assume des fonctions de pilotage et de gestion opérationnelle en rapport avec la conception, l’élaboration et la mise en œuvre de politiques éducatives au niveau national ou local. Pour la CONFEMEN, «la gestion scolaire se définit comme l’exercice de l’autorité politique, économique, administrative et pédagogique dans le cadre de la gouvernance de l’école. Elle est également l’ensemble des activités qui font le lien entre la sphère des politiques éducatives et celle des résultats obtenus, entre les ressources et les acquisitions scolaires» (CONFEMEN, 2007). Ainsi, le gestionnaire scolaire assume des fonctions de gestion administrative, pédagogique et d’évaluation. Dans les établissements d’enseignement, les gestionnaires sont les membres de l’équipe de direction. Pour l’AMDS, deux rôles et deux qualités permettent de circonscrire la fonction de direction des établissements d’enseignement : «Un rôle de leader pédagogique; un rôle stratégique et politique; un gestionnaire compétent, efficace et responsable; un professionnel engagé, solidaire et au comportement éthique irréprochable» (AMDS, Public/Référentiel-rôle des directions/Référentiel AMDES V SW.docx). Même si la direction ne peut garantir la réussite de tous les élèves qui sont confiés à son établissement, elle a l’obligation de s’assurer de la qualité des services éducatifs, d’établir des plans d’intervention et de mettre en œuvre une organisation de services pour assurer la réussite du plus grand nombre.Back to top
Les différents constituants de l’environnement scolaire ont des effets sur la réussite des élèves. Parmi ceux étudiés par la recherche, il y’a celui de l’établissement, de la classe et de l’enseignant. Ce dernier est défini par Alpe et Al. Comme la « mesure, à la fin d’une année scolaire, la part du niveau de compétence d’un élève qui s’explique par l’action de l’enseignant qu’il a eu cette année-là. […] D’après Georges Felouzis, c’est le résidu de l’effet classe, qui s’explique essentiellement par le comportement de l’enseignant dans l’interaction pédagogique : les enseignants efficaces sont ceux qui ont des attentes positives par rapport à leurs élèves, qui se servent de l’évaluation comme un moyen de motivation, et qui font preuve de « pragmatisme pédagogique », c’est-à-dire qui adaptent leurs stratégies pédagogiques en fonction du contexte et de la façon dont les élèves interprètent les situations d’enseignement et d’apprentissage» (ALPE et al., 2007 p.99).Back to top
Il renvoie à l’enseignant qui donne un enseignement de qualité, donc
qui favorise la réussite de ses apprenants. Pour se faire, l’enseignant
doit avoir certaines caractéristiques ou dispositions. Pour l’OCDE
(1994), «la qualité de l’enseignant articulée autour de cinq dimensions :
– «connaissance de larges domaines et contenus ;
– aptitudes pédagogiques, y compris l’acquisition et la capacité d’utiliser un répertoire de stratégies d’enseignement ;
– réflexion et capacité à l’autocritique, marque du professionnalisme de l’enseignant ;
– empathie et engagement à la reconnaissance de la dignité de l’autre ;
– compétences de gestionnaire, les enseignants devant assumer une série
de responsabilités de direction, autant à l’intérieur qu’à l’extérieur
de la classe ». (OCDE, 1994, p. 13-14).
Dans le même ordre d’idée, Perrenoud (1999) identifie dix compétences pour le bon enseignant :
– Organiser des opportunités d’apprentissage pour les élèves;
– Gérer la progression de l’apprentissage des élèves;
– Traiter l’hétérogénéité des élèves;
– Développer la motivation des élèves envers l’étude et l’apprentissage;
– Travailler en équipes;
– Participer au programme scolaire et au développement organisationnel;
– Promouvoir l’engagement des parents et de la communauté envers l’école;
– Utiliser les nouvelles technologies dans leur pratique quotidienne;
– Assumer les responsabilités professionnelles et les dilemmes éthiques;
– Gérer leur propre développement professionnel.
Brassard et Lessard, 1998Back to top
Perrenoud définit «l’autonomie comme le droit de se donner ses propres règles et sa propre ligne d’action plutôt que d’obéir à des règles et des directives fixées par une autre entité» (Perrenoud, 2001). Pour lui, l’autonomie doit être distingué de l’indépendance qui, elle désignerait «le pouvoir effectif de décider de sa propre destinée» (Perrenoud, 2001). Ainsi, les établissements peuvent prétendre à l’autonomie alors qu’«aucun établissement scolaire n’est totalement indépendant» (Perrenoud, 2001). L’autonomie est alors une notion juridique et ne constitue pas toujours un enjeu pour tous les acteurs des établissements d’enseignement. Perrenoud met en garde sur le fait que pour que l’autonomie de l’établissement ne soit pas synonyme de celle de ces chefs seulement, il faudrait la mise en place de nouveaux fonctionnements. Ces fonctionnalismes permettraient de partager le pouvoir entre les acteurs de l’établissement et de stimuler leur identité et leur plaisir professionnels. Pour Perenoud, «dans les établissements où l’autonomie, même relative, est partagée entre les divers acteurs, elle peut être entendue comme un droit, une source d’identité et de plaisir professionnels. Il y aura alors un vrai changement. Il ne faut pas se cacher qu’il compliquera terriblement le fonctionnement des systèmes éducatifs. Il les obligera, contre toutes les traditions bureaucratiques, à négocier, à gérer ou arbitrer des conflits, à vivre avec une part accrue de “ désordre ”, à l’échelle des établissements, mais aussi du système ou du réseau» (Perrenoud, 2001).Back to top
Le concept de professionnalisation renvoie au «fait de faire accéder un domaine de savoir au statut d’une profession» Legendre (2005). Dans de nombreux pays, l’enseignement et la gestion scolaires ont fait l’objet d’une professionnalisation. Dans ce contexte, il se pose la question de savoir si les acteurs en question possèdent les connaissances et les compétences relatives à leur fonction pour accéder au statut de professionnel. Pour Perrenoud, «l’enjeu est de taille : faut-il former les chefs d’établissements et leurs équipes à des méthodologies lourdes d’évaluation, avec la médiation de dispositifs et d’outils spécialisés, ou faut-il les former à la lucidité professionnelle et à l’habileté à expliquer ce qu’ils font et à convaincre qu’ils ont fait de justes choix et qu’on peut continuer à leur faire confiance ? (Perrenoud, 2001).Back to top
L’éthique professionnelle est une activité de régulation sociale et
communicationnelle (St.Vincent, 2007). Pour cette auteure, «l’éthique
professionnelle est une forme d’éthique appliquée, qui s’est développée
particulièrement depuis les vingt dernières années, pour guider les
professionnels dans leurs responsabilités envers les personnes aidées.
Vue sous l’angle de la régulation sociale, l’éthique professionnelle
exige que l’enseignant soit conscient qu’il joue un rôle précis dans un
système de règles établies» (St.Vincent, 2007). Pour Desaulniers (2000),
les enseignants sont confrontés aux questions d’éthiques à plusieurs
niveaux : «comme pédagogues dans leur relation aux élèves, comme
intellectuels dans leurs relations au travail, comme fonctionnaires dans
la relation à la société. Ainsi, l’éthique renvoie aux rapports de
l’enseignant aux savoirs, aux élèves, à l’école, et à la société
(Desaulniers et Jutras 2006).
Pour Desaulniers et Jutras, «l’éthique appliquée est une approche de
l’éthique centrée sur la prise de décision éclairée par des personnes,
dans des situations concrètes où les solutions habituelles sont
inefficaces ou inexistantes» (Desaulniers et Jutras 2006, p. 36). Selon
Patenaude (1998) (cité par St.Vincent, 2007), «on retrouve dans la
démarche éthique : l’intersubjectivité, la recherche de sens commun, le
processus de construction de sens en coopération, la reconnaissance des
écarts existants entre les interlocuteurs, la modification de la
situation respective des interlocuteurs et la mobilisation de notions
fondamentales d’ordre éthique».
Pour l’OCDE (cité par Desaulniers (2000)), «le questionnement sur le
sens de l’éducation est au centre des refontes actuelles de programmes
de formations des maîtres et des politiques éducatives sur la qualité en
éducation (OCDE, 1989)». Desaulniers (2000) identifie la
professionnalisation de l’enseignement comme une solution aux questions
éthiques. Pour lui, elle «constitue une réponse à des attentes sociales
élevées par rapport à l’école et aux enseignants» (Desaulniers, 2000).Back to top
Selon Kahn, de nombreux chercheurs comme Prairat (2005) et Longhi
(1998) se demandent si la définition de l’éthique de la profession
enseignante ne reviendrait pas à proposer une charte de déontologie.
Pour Ogien (cité par Kahn, 2006), les deux sont différents, car
l’éthique «relève d’une théorie de la valeur (axiologie)» alors que la
déontologie «est plus « juridique » et relève d’une théorie des normes».
Dans le domaine de l’enseignement, relève d’une théorie de la valeur,
indépendamment des convictions et de l’engagement personnels des
enseignants, l’adhésion à des références morales qu’on est en droit
d’exiger de tous, parce qu’elles sont constitutives de l’acte
d’enseigner dans une société démocratique (et peut-être même de l’acte
d’enseigner en soi). De cette sorte sont par exemple : la volonté
d’accueillir tous les élèves (ce que Prairat appelle l’exigence
d’hospitalité), l’obligation de diligence et de sollicitude, ou encore
ce qui constitue pour Philippe Meirieu le cœur même de l’éthique
enseignante, à savoir le postulat d’éducabilité de tous les enfants («
vouloir enseigner, c’est croire en l’éducabilité de l’autre », Meirieu,
1991, p. 39). Relève en revanche d’une théorie des normes, c’est-à-dire
de la déontologie proprement dite, les devoirs et les obligations
concrètes auxquels les enseignants sont soumis dans l’exercice de leur
profession (déon en grec signifie « ce qu’il faut faire »). L’obligation
de réserve, l’obligation de rendre des comptes, éventuellement (car
cela se discute) la clause de confidentialité font partie de ce
registre» (Kahn, 2006).Back to top
La GAR entraine des changements importants dans les pratiques des acteurs du système éducatif. En effet, l’évolution dans les orientations et les responsabilités des établissements d’enseignement se traduit par une adaptation des acteurs. Ces derniers doivent opérationnaliser les principes et les processus de gestion véhiculés par la GAR. Ainsi, il se pose la question de savoir ce que la GAR en éducation implique en termes d’autonomie, d’innovation, de collaboration, de responsabilité et d’évaluation pour les acteurs. Ainsi, la GAR en éducation s’appuie alors sur le concept de la gouvernance qui «est souvent décrite comme une démarche qui consiste à établir des conditions de fonctionnement et d’organisation à partir d’une conception axée sur la rentabilité, les résultats attendus» (Bessette et Boutin, 2010).Back to top
L’autonomie accordée aux établissements d’enseignement dans le cadre
de la décentralisation et de la GAR ne peut se matérialiser et se
traduire en action concrète que si les gestionnaires, les enseignants et
les professionnels de ces unités administratives la mettent en œuvre
dans les pratiques de gestion et d’enseignement. Pour Perrenoud,
l’autonomie doit s’opérationnaliser par un pouvoir réel qui est donné
aux acteurs. Pour lui, «si autonomie et empowerment ne vont pas de pair
(Gather Thurler, 1999), les acteurs ne se sentiront pas concernés. Si le
système éducatif invente des formes de gestion qui tiennent compte de
la diversité des écoles, de la réalité du travail de prise en charge de
personnes, des fortes composantes idéologiques, relationnelles et
culturelles du métier, et s’il donne un réel pouvoir aux collectivités
professionnelles, il se peut qu’une voie originale soit ouverte. Autant
de conditions qui n’adviendront que si l’on y travaille !» (Perrenoud
2001).
La démocratie scolaire et le leadership local sont des mécanismes qui
pourraient contribuer à autonomiser les acteurs dans la production et la
fourniture des services scolaires. En effet, la démocratie scolaire
permet de fonder l’action de l’établissement sur les préoccupations de
la communauté scolaire tout entière. Ainsi, elle suppose une ouverture
et un engagement des différents acteurs aux positions des uns et des
autres face aux défis de l’école et aux solutions qui permettraient de
les relever. Différentes structures de gouvernance ont été mises en
place dans les établissements d’enseignement dans les dernières
décennies, mais leur fonctionnement et leur efficacité dépendent de la
capacité des acteurs à intégrer ces principes. Ainsi, le projet
d’établissement par exemple, ne doit être ni celui des gestionnaires, ni
celui des enseignants, ni celui des parents, mais celui de tous ces
acteurs réunis. En effet, c’est dans cette synergie que le projet
éducatif de la communauté trouvera sa réalisation et contribuera à
l’œuvre éducative nationale. Pour Perrenoud, l’enjeu de la motivation
des acteurs peut trouver une solution dans le projet d’établissement.
Devineau (cité par Perrenoud 2001) montre qu’en France tous les projets
d’établissements ne sont pas des fictions, que ce sont certes des
discours, mais qu’ils contribuent souvent à mobiliser les acteurs, à
leur rendre de l’espoir, à leur donner prise sur la réalité locale, à
les aider à se situer par rapport aux politiques de l’éducation et à
l’esprit du temps (Devineau, 1998). Pour Perrenoud, «Il serait grave,
sous prétexte de rationaliser la gestion, notamment au nom d’une “
culture de l’évaluation ” aussi assourdissante que sommaire, de
déposséder les acteurs de leurs projets, au risque de les confirmer dans
l’idée que, décidément, les organisations éducatives ne sont pas
apprenantes, faute de savoir faire confiance aux acteurs plutôt qu’aux
procédures et aux indicateurs. Substituant un contrôle technocratique au
contrôle bureaucratique, on accroîtra la lassitude des acteurs de
l’innovation (Alter, 1993b) en formulant des promesses d’autonomie sans
les honorer» (Perrenoud 2001).
Cependant, dans cette démocratie scolaire, un leadership fort doit être
mené par les gestionnaires pour que le climat scolaire soit source de
performances. Le leadership est ainsi une condition favorable sinon
indispensable pour opérationnaliser l’autonomie des établissements et en
faire un moteur de l’efficacité et de l’efficience scolaire. Ce
leadership peut être pédagogique, administratif, communautaire, etc.
Dans tous les cas, il permettra de rallier les acteurs de la communauté
éducative à la gouvernance locale et à la GAR dans les établissements
d’enseignement. Ce leadership pour être efficace doit reposer sur
l’innovation qui lui permettra de s’adapter ou de se renouveler.
Robinson (2011) cite le leadership dans les trois principes retenus dans
le cadre de la réforme des établissements scolaires de la ville de New
York. Elle déclare que «selon les responsables politiques, la
restructuration du système éducatif a été guidée par trois principes :
le leadership, la responsabilisation et l’obligation de résultat»
(Robinson, 2011). Elle parle aussi de la marge de manœuvre accordée aux
acteurs des établissements en disant que «les chefs d’établissement et
les enseignants sont désormais autorisés à prendre des initiatives selon
les besoins spécifiques de leurs élèves» (Robinson, 2011 p. 51).Back to top
L’innovation est une exigence dans l’économie de la connaissance.
Elle suppose un réel esprit d’initiative de la part des acteurs ainsi
qu’une réflexivité sur les pratiques et les résultats. Ces derniers
faisant l’objet d’une évaluation continue.
L’esprit d’initiative peut être défini comme la proactivité des acteurs
face aux défis, aux problèmes et aux orientations des acteurs. Elle peut
s’appuyer sur la réflexivité qui doit aider la communauté éducative à
analyser les résultats déjà accomplis et à mettre en perspectives ceux à
atteindre. Annan en parlant du système d’amélioration continue de la
qualité de l’éducation en Nouvelle-Zélande, déclare que «pour amorcer
les changements nécessaires, il est important que les groupes
volontaires analysent les données à leur disposition […], pour réfléchir
à la modification des pratiques de classe et plus largement à celles de
l’établissement dans son ensemble (Wootton, 2008). Il s’agit également
de construire une expertise susceptible de s’adapter aux différentes
situations, à partir d’une analyse détaillée des pratiques et des
changements (Lai, McNaughton, Timperley et al., 2009). Cette approche,
qui incite les enseignants, l’encadrement, les prestataires
professionnels et les responsables du ministère à réfléchir à leurs
pratiques pour contribuer à résoudre les mauvais résultats de certains
élèves, engage la responsabilité de l’ensemble des groupes participants.
Cette responsabilisation a permis de réduire les discours accusateurs
envers les élèves, les parents, la collectivité et le gouvernement, au
profit d’un discours réflexif plus critique des professionnels sur leurs
propres pratiques (Annan, Lai & Robinson, 2003)» (Annan, 2011).Back to top
Un autre principe majeur de la GAR pour les personnels scolaires
réside dans la synergie à développer par la collaboration entre les
différents acteurs. Ces derniers doivent travailler en équipe et
participer au pilotage des actions éducatives. Pour Debarbieux et al.,
«le chef d’établissement apparaît comme un pivot du climat scolaire.
L’effet chef d’établissement est confirmé par l’ensemble de la
recherche. La qualité de sa formation ne saurait donc être négligée, non
tant dans ses tâches administratives que sa gestion des ressources
humaines, sa capacité d’écoute et ses compétences d’animation des
équipes. Cela est vrai autant dans les écoles primaires que dans le
secondaire. […]
Pour autant il ne s’agit pas de considérer la bonne qualité du climat
scolaire comme un processus autocratique, ni l’autonomie des
établissements comme un caporalisme. La recherche suggère au contraire
que la condition d’un climat scolaire agréable et efficace réside dans
la gouvernance démocratique des établissements (une autonomie
démocratique. Cela est vrai tant au niveau des adultes que dans les
instances de paroles des élèves : conseils de vie collégienne, conseils
de vie lycéenne, conseils des élèves des écoles primaires.
Le projet d’établissement ne doit pas être importé brutalement de
l’extérieur, ni être le projet du seul chef d’établissement. (Debarbieux
et al. 2012).
L’importance du climat de travail dans la collaboration est aussi
évoquée par ces chercheurs. Pour eux, «chaque membre de la communauté
scolaire, quel que soit son statut, est responsable du climat de travail
dans l’établissement. Le travail en équipe de tous les personnels est
une condition nécessaire au développement d’un climat scolaire positif.
[…] La vie d’équipe est assurée par une attention particulière portée à
l’accueil des nouveaux membres du personnel. De la qualité de cet
accueil dépend en grande partie la confiance et la motivation des
professionnels» (Debarbieux et al. 2012).
Dans les cas des réformes éducatives menées à New York et en
Nouvelle-Zélande, l’outil d’enquête collaborative a été utilisé pour
pousser les acteurs à plus de synergie dans leurs interventions.
Robinson déclare qu’à New York, «cet outil permet aux administrateurs et
aux enseignants d’analyser la performance des élèves selon un ensemble
de facteurs ; il s’agit ainsi d’encourager la collaboration et le
partage d’informations entre enseignants par des bibliothèques de
ressources électroniques et des domaines d’échanges, au sein d’un même
établissement et d’un établissement à un autre» (Robinson, 2011). Annan
de son coté parle de la Nouvelle-Zélande où la méthode d’enquête
collaborative «a été élaborée par tâtonnements dans deux réseaux
d’établissements et en réunissant des petits groupes d’enseignants, de
chefs d’établissement et des personnels d’éducation, au sein desquels
étaient analysées les forces et les faiblesses des pratiques
d’enseignement, de leadership et d’apprentissage en lecture» (Annan,
2011).
Dans le même ordre d’idées, Debarbieux et al. évoquent l’importance de
la formation des acteurs au travail d’équipe. Pour eux, «la formation au
travail en équipe, à la création d’un climat scolaire favorable sont
des nécessités pour tous les acteurs de l’école : principaux et
directeurs, corps d’inspection, mais aussi par exemple psychologues
scolaires, infirmières et médecins scolaires, assistants sociaux.
Inclure cette formation dans les cursus universitaires est une condition
pour assurer l’impact à long terme de la compréhension par les
personnels de l’importance du climat scolaire (Debarbieux et al. 2012).Back to top
La GAR vient accroitre la responsabilité des acteurs dans les
performances des écoles et la qualité des apprentissages des élèves. En
effet, l’obligation de moyen qui prévalait dans la bureaucratie évaluée
les activités menées par les enseignants et les gestionnaires. Par
contre, avec la GAR, de nombreux systèmes évaluent les résultats des
acteurs, notamment à travers la mise en place de mécanismes de
contractualisation et de reddition de compte. Abondant dans ce sens,
Robinson affirme que «l’obligation de résultat est marquée par la
définition d’objectifs chiffrés de performance, la diffusion publique du
rapport annuel de l’établissement et la responsabilité locale des
équipes éducatives quant aux progrès des apprentissages des élèves»
(Robinson, 2011). Autrement dit, les résultats scolaires des élèves sont
imputables aux gestionnaires et aux enseignants. Cela d’autant plus que
«si l’établissement n’atteint pas les objectifs fixés au bout de cinq
ans, le ministère procède à des changements dans la gestion de
l’établissement» (Robinson, 2011). Les chefs d’établissements sont ainsi
tenus responsables des performances des apprenants en contrepartie d’un
contrôle plus grand sur les ressources de l’école. À New York, «les
responsables publics ont établi de nouveaux contrats de performance qui
rendent les chefs d’établissement responsables des gains annuels de
performance des élèves. En contrepartie de cette charge supplémentaire,
il leur a été confié la gestion des ressources de l’établissement,
notamment la maîtrise du budget et l’embauche des enseignants. Ils
gèrent aussi le contrat de service avec les organismes de soutien aux
établissements et peuvent à tout moment mettre un terme au contrat s’ils
n’en sont pas satisfaits. […] En fonction des performances de leur
institution, les chefs d’établissement peuvent obtenir une prime, ou à
l’inverse être démis de leurs fonctions» (Robinson, 2011).
La responsabilisation des enseignants et des gestionnaires se manifeste
aussi avec la reddition des comptes qui impose aux acteurs de faire le
bilan de leurs résultats. En effet, avec l’approche contractuelle qui
comprend une définition de cibles et des indicateurs de résultats, ainsi
qu’une plus grande marge de manœuvre accordée aux acteurs, la reddition
des comptes est une exigence logique qui doit survenir à la fin de
l’intervention. C’est avec elle que les écarts entre les cibles et les
résultats réels sont mesurés et évalués.
Un autre exemple de la responsabilisation des enseignants et des
gestionnaires est leur formation à l’analyse, à l’évaluation et à
l’interprétation des résultats des élèves. Ainsi, les enseignants ont
les moyens de préparer, de mettre en œuvre et d’évaluer leurs
performances d’enseignement. Ils peuvent aussi, identifier les
difficultés d’apprentissage et y remédier pour améliorer les
apprentissages de leurs élèves. Il apparait ici que les enseignants sont
considérés comme des professionnels qui disposent de toutes les
ressources et compétences pour prendre en charge l’acte d’enseigner et
les actions qui lui sont reliées notamment de mesure, et
d’interprétation des résultats. Ces nouvelles compétences des
enseignants leur permettent de «produire de nouvelles connaissances sur
les besoins des élèves, les conditions d’enseignement et d’apprentissage
à l’école et les pratiques efficaces» (Robinson, 2011). En Suède, «Les
établissements doivent aussi produire un rapport annuel montrant la
qualité du travail local à partir des évaluations externes, d’une
description du travail des enseignants et des plans individuels
d’amélioration des élèves. Depuis plus de dix ans, les enseignants
construisent avec chaque élève et ses parents un plan d’apprentissage
référé aux objectifs nationaux» (Dumay, 2010).
La responsabilisation des acteurs passe donc par leur
professionnalisation et leur autonomisation. En leur donnant une plus
grande marge de manœuvre et l’accès à de nouvelles ressources, la GAR
exige des acteurs de rendre des comptes et d’assumer la responsabilité
des résultats réalisés.Back to top
La responsabilisation des acteurs se manifeste également dans la
place importante accordée à l’autoévaluation. Cette première évaluation
des acteurs de leur propre intervention et la diffusion des résultats
répond à un souci de transparence. Au demeurant, elle ne remplace pas
l’évaluation externe qui peut alors se faire dans une fréquence moins
élevée (Dumay, 2010). En effet, l’autoévaluation permet de suivre les
performances des acteurs et de piloter les ressources humaines. Dans le
cas du programme Children First, de la ville de New York, pris en
exemple ici, «la seconde ressource est la mise à disposition des
enseignants de portefeuilles d’évaluations qui offrent des informations
détaillées et opportunes sur les forces et les faiblesses de leurs
élèves. Ces évaluations formatives aident les enseignants dans le suivi
et le diagnostic des progrès de leurs élèves, dans leur réflexion sur
l’efficacité de leurs pratiques pédagogiques et dans leur recherche de
ressources» (Robinson, 2011). Cette autoévaluation est aussi une
caractéristique majeure de la GAR en éducation. Elle fait de chaque
acteur le régulateur de ses propres pratiques et lui donne plus de
chance d’améliorer ses performances en vue d’atteindre les résultats
visés. Mais elle permet également de rendre l’évaluation plus légitime
dans la mesure où chaque acteur jouant un rôle majeur dans le processus
sera moins enclin à en contester la validité ou la fidélité. Annan
affirme que le ministère de l’Éducation néozélandais a lancé un
programme de travail intitulé Renforcement des capacités collectives
d’évaluation au profit de l’amélioration de l’école, afin de développer
les capacités de tous les acteurs (les chefs d’établissement, les
prestataires professionnels et le personnel du ministère affectés aux
réseaux impliqués) à la conduite des évaluations des établissements
(Annan, 2011). Il faut néanmoins être vigilant sur la qualité de cette
autoévaluation pour éviter toutes déviances. C’est en cela que
l’évaluation externe vient compléter et renforcer l’autoévaluation. Ces
deux démarches étant menées par des acteurs différents, mais sur les
mêmes résultats relatifs à la qualité des apprentissages et à la
réussite des élèves permettent de fonder les interventions des acteurs
sur l’efficacité et l’efficience. En effet, les pratiques les plus
efficaces peuvent être identifiées et diffusées (Robinson, 2011).
L’évaluation externe se fait à travers différents mécanismes, dont les
évaluations nationales ou internationales standardisées qui fournissent
une appréciation des performances des acteurs. D’autres évaluations
spécifiques comme l’insertion professionnelle des diplômés peuvent
permettre de mesurer les performances des acteurs. Dans tous les cas, la
place de l’évaluation dans le système éducatif a pris de l’importance,
et devrait favoriser si elle est bien menée, une plus grande réflexivité
des enseignants et des gestionnaires qui pourraient alors mieux adapter
leurs interventions aux besoins des clients de l’école. Pour Perrenoud,
«le développement de procédures interactives d’évaluation (Demailly,
1998 ; Demailly et al., 1998) suggère qu’on a besoin, pour se rendre
dans les établissements, d’observateurs indépendants et avertis,
capables d’entrer dans une interaction à la fois critique et
constructive avec les divers acteurs. Des indicateurs chiffrés et
standardisés peuvent les aider dans leur tâche, mais non remplacer le
travail de terrain» (Perrenoud, 2001).
Dans de nombreux pays comme la Suède et le Royaume uni, un service
d’inspection indépendant a été mis en place pour évaluer les
performances des acteurs. Dans le second, «les chefs d’établissement
voient leurs compétences élargies et surtout transformées. Leur travail
devient managérial. Leur rôle est de créer des conditions permettant aux
enseignants d’amener les élèves aux résultats attendus par le
curriculum et concrétisés par les tests nationaux» (Dumay, 2010).
Nous voyons que la GAR implique de nombreux changements au niveau des
pratiques des acteurs de l’école. Même si certains principes comme
l’évaluation existés avant l’avènement de la GAR, ce dernier induit
souvent un changement de perspective ou d’objet qui nécessite de la part
des acteurs une adaptation. De manière générale, la GAR accroit la
marge de manœuvre accordée aux acteurs, notamment dans l’innovation et
le contrôle des ressources d’une part, et un contrôle accru de la
performance par l’évaluation et les orientations stratégiques du système
éducatif, d’autre part. Ainsi, même si les acteurs reconnaissent les
avantages de la gouvernance (démocratie) scolaire, il reste sceptique
quant à la place et à la forme de l’évaluation.Back to top
Les nombreuses implications de la GAR sur le travail des gestionnaires et des enseignants nécessitent une adaptation de leur part et un changement des pratiques de gestion et d’enseignement. Ainsi, les acteurs voient des avantages et des inconvénients dépendamment de leurs postures de gestionnaire ou d’enseignant. Nous répertorions ci-après quelques points de vue d’acteurs ou d’organisation d’acteurs.Back to top
La GAR a incontestablement favorisé la décentralisation et
l’autonomie des établissements scolaires et par delà, celle des acteurs
qui y interviennent notamment avec le développement du leadership local.
Ainsi, nous pouvons noter que les projets d’établissements sont de plus
en plus conformes aux aspirations et au point de vue des acteurs. Le
processus ou méthode d’enquête collaborative évoquée par Robinson et
Annan par exemple en est une illustration. Selon ces deux auteurs, la
méthode d’enquête collaborative permet aux enseignants de participer à
l’évaluation des performances des apprenants et la recherche de
solutions pour améliorer la réussite des élèves. Pour Robinson, «le
programme Children First comprend des mécanismes qui font basculer le
contrôle et la responsabilité des ressources sur les chefs
d’établissement et qui, par un processus collaboratif, permettent aux
établissements scolaires de produire de nouvelles connaissances sur les
besoins des élèves, les conditions d’enseignement et d’apprentissage à
l’école et les pratiques efficaces» (Robinson, 2011). Ainsi, les
compétences des enseignants et des gestionnaires sont renforcées ce qui
favorise leur accès au développement professionnel. La participation et
la démocratie scolaire sont aussi favorisées par la collaboration
imposée par la GAR. Aussi, la responsabilisation des acteurs notamment
les gestionnaires s’est accrue. «De nouveaux postes spécialisés ont été
créés pour accompagner la formation des enseignants» (Robinson, 2011).
Ainsi, «les chefs d’établissement et les enseignants sont désormais
autorisés à prendre des initiatives selon les besoins spécifiques de
leurs élèves». (Robinson, 2011).
De son côté Annan déclare que «chaque groupe d’établissements correspond
à un réseau d’apprentissage, c’est-à-dire un ensemble de responsables
de la mise en œuvre de la réforme, qui cherchent à déceler et résoudre
les problèmes des élèves en échec (Annan, 1997).
Avec la responsabilisation accrue qui s’accompagne de l’imputabilité,
certains systèmes éducatifs proposent des primes de rendement aux
enseignants qui font les meilleurs résultats. Ces primes constituent une
motivation supplémentaire qui peut encourager les enseignants à plus
s’engager pour la réussite de leurs apprenants. Dans l’État de
Washington, le programme IMPACT va dans ce sens.
GAR est un pas en avant (Bissonette, 2013).Back to top
À l’opposé de ces avantages, la GAR fait l’objet de critiques
virulentes de la part des enseignants, des syndicats et de certains
chercheurs. Il lui est reproché sont inadéquation avec les valeurs de
l’éducation, la centralisation accrue qu’elle génère notamment en
matière de planification stratégique, de curriculums ou d’évaluation et
son manque d’efficacité notamment à moyen terme. Les enseignants
considèrent que la gestion axée sur les résultats est un principe de
gestion privée qui n’a pas sa place dans la sphère publique. La
Fédération des syndicats de l’enseignement déclarait que «l’école n’est
pas une entreprise privée! Nous nous élevons contre une vision comptable
de la réussite qui encourage des dérives» . Malet (2010), confirme
cette tendance des états en parlant de transfert d’outils de pilotages
et de régulation du secteur privé au secteur public et de développement
d’une culture de la performance et de l’évaluation.
Pour les enseignants, la GAR menace aussi la démocratisation et aboutira
à l’évaluation des enseignants qui est une remise en cause de leur
autonomie professionnelle et une menace pour la sécurité de leur emploi.
Ainsi disaient-ils : «À l’obligation de résultat, il ne manque plus que
l’évaluation des enseignantes et des enseignants […] il est en train de
s’instaurer un puissant moyen de contrôle […] l’autonomie
professionnelle est menacée» . En somme, la GAR est pour les
enseignants incompatibles avec l’amélioration de leur condition et
l’école démocratique.
Aussi de l’avis de certains enseignants et chercheurs, la place de
l’évaluation s’est considérablement accrue, ce qui fait dire à certains
que la GAR est une approche comptable. Pour Jeacques Tondreau, déjà en
2008, «André Brassard, indiquait que les nouvelles dispositions de la
Loi sur l’instruction publique pourraient résulter en une activité
accrue du travail de gestion commandant plus d’investissement en temps
et en énergie pour le Ministère, les commissions scolaires et les
établissements[…] La recherche confirme de plus en plus que la culture
du résultat, l’approche comptable en éducation, avec sa propension à
toujours plus de performance, ne donne pas les résultats escomptés. Par
exemple, une méta-analyse documentaire effectuée au Royaume-Uni indique
qu’une approche centrée sur l’apprentissage peut améliorer les résultats
des élèves, tandis qu’une approche centrée uniquement sur la
performance peut les faire baisser (Tondreau, 2012). Selon le même
auteur, «Watkins, souligne deux défis à relever par les écoles si elles
veulent faire réussir plus d’élèves: 1) reconnaître que la réussite aux
examens ne constitue pas le but de l’éducation, elle est plutôt la
conséquence d’un apprentissage efficace; 2) reconnaître que la pression
et l’adoption d’une approche centrée sur la performance ne parviennent
pas à améliorer le rendement des élèves». (Tondreau, 2012).
Pour Bryan Perro, la GAR met l’accent sur la diplomation alors que
l’éducation est délaissée (Bryan Perro, 2013). D’autres enseignants
abondent dans le même sens en parlant de perte des vraies valeurs de
l’éducation comme celle de l’humanité au profit de la marchandisation et
de l’approche clientèle. Pour Trudeau, «avec cette approche qui
subordonne tout aux résultats mesurables, on est loin de la pédagogie
qui, par définition, est axée sur le relationnel… J’ai été le témoin
privilégié des effets concrets d’un tel virage dans le domaine de la
formation à distance. Devinez quoi? Tous les pédagogues chargés de
projets dans cette ‘boîte’ ont été progressivement remplacés par des
techniciens et des techniciennes spécialisés dans les matières
concernées a qui on a pu imposer un ‘modèle pédagogique unique’
supposément éprouvé…» (Jean Trudeau, 2010).
Pour Cadieux, l’approche clientéliste n’est pas adaptée à l’école :
«Dans un court essai, Diane Boudreau, enseignante retraitée, déplore que
«les élèves se métamorphosent en « clients » qu’il faut satisfaire à
tout prix». À cela, elle ajoute que «le MELS, les commissions scolaires
et les directions d’école cèdent au chantage et à la menace de
représailles judiciaires s’ils osent confronter les élèves récalcitrants
et affronter les récriminations de ces parents trop fatigués ou trop
peu courageux pour corriger les attitudes impertinentes, vulgaires ou
blessantes de leurs enfants […] les enseignants sont muselés, à la
merci des critiques des uns et des autres, sans réel pouvoir ni
autorité». Selon elle, il est désormais très risqué pour un enseignant
de sanctionner ces enfants rois qui peuplent de plus en plus les salles
de classe» (Solenne Cadieux, 2013).
Pour Cornellier, «ce qui fait que de nombreux enseignants et
enseignantes en sont arrivés à se contenter de telles réponses, pourtant
insignifiantes, c’est que, depuis quelques années, les patrons de
l’éducation (le ministère, les commissions scolaires et les directeurs
d’établissement) errent dangereusement en leur imposant un mode de
fonctionnement et d’évaluation appelé la gestion axée sur les
résultats.[…] J’ai cependant toujours cru et je crois encore que ce qui
fait l’honneur de l’homme, c’est son inaliénable capacité à s’opposer et
à résister à tout ce qui le déshumanise. Et je suis de plus en plus
convaincu que les enseignants forment une des premières lignes de cette
résistance aux offensives de déshumanisation tous azimuts qui menacent
les sociétés comme la nôtre en voie de marchandisation mondialisée. Ces
offensives déshumanisantes sont sournoises, car elles s’avancent vers
nous sous les apparences d’une rationalité sans faille : l’efficacité,
la performance, la compétitivité, etc. Prétendre s’y opposer fait de
vous un rêveur qui ne comprend rien à la nécessité pour tout un chacun
de sauver sa peau en se mettant au service d’une économie efficiente
permettant aux meilleurs de tirer leur épingle du jeu. Pourtant, des
voix de plus en plus nombreuses s’élèvent contre une telle vision des
choses. Ces voix proclament qu’un autre monde est possible, que l’être
humain est doué d’une vie propre qui vaut par elle-même. Il n’est pas
qu’une ressource humaine dont on peut jauger la valeur selon sa
rentabilité économique. Agir ainsi, se serait nié son humanité ; et qui
amoindrit l’humanité, ne serait-ce qu’en un seul homme, en ternit
l’image en tous les hommes» (Éric Cornellier, 2012).
Tondreau évoque les résultats d’une recherche récente au Québec qui
aurait identifié un certain nombre d’inconvénients généré par la GAR. Il
déclare qu’«une équipe de chercheurs (André Brassard, Jacques Lusignan
et Guy Pelletier) a enquêté afin de prendre le pouls de la mise en place
des conventions de gestion dans les écoles du Québec. Leurs conclusions
sont intéressantes à plusieurs égards:
– la gestion axée sur les résultats et un processus lourd à gérer qui restreint la marge de manœuvre du personnel;
– la gestion axée sur les résultats entraîne rapidement une dérive vers le «facilement mesurable»;
– presque toutes les commissions scolaires ont affecté des ressources
supplémentaires à la mise en place et au suivi des conventions
(direction adjointe de commission scolaire, libération de direction
d’établissement, conseillère ou conseiller pédagogique);
– la GAR a orienté la mise en place des conventions sur les résultats
mesurables, donc n’a pas favorisé la mobilisation du personnel;
– pour les directions plus expérimentées, il y a un certain détachement
vis-à-vis l’obligation de résultat. Par exemple, «on pourra toujours
trouver de bonnes raisons si l’on n’atteint pas nos cibles»;
– on dénonce des pressions exercées sur des enseignantes et des
enseignants pour qu’ils soient «moins sévères dans leurs corrections»
afin d’améliorer les indicateurs de réussite;
– les chercheurs ne sont pas assurés que la GAR mise en place
«contribuera de façon sensible à l’amélioration de la réussite et de la
persévérance scolaires».
Dans son intervention au Rendez-vous CSQ de l’éducation en février
dernier, André Brassard est allé plus loin en indiquant que cette
gestion axée sur les résultats donne peu de résultats, elle peut même
mener à des régressions. Les progrès constatés dans certains pays avec
cette approche tendent rapidement à s’atténuer, voire à disparaître, et
les effets pervers sont nombreux (ex.: préparer les élèves en fonction
des tests standardisés). Si les résultats des élèves gagnent peu dans
cette approche, cette dernière donne lieu, cependant, au développement
d’une industrie de l’évaluation et d’une bureaucratie du traitement et
de l’analyse des données.
Brassard indique que d’autres approches sont toutefois possibles comme
celle du développement professionnel et organisationnel. C’est une
approche locale, fondée sur la responsabilisation professionnelle,
individuelle et collective et elle comporte deux volets: 1) une
autoévaluation qui se fait dans une démarche réflexive et qui conduit à
des modifications des pratiques individuelles et collectives (on parle
idéalement de communauté de pratique); 2) une identification de la
situation particulière de chaque élève en vue de prévenir les problèmes
et d’adapter la prestation des services éducatifs» (Tondreau, 2012).
Au Québec, la fédération des Cégeps a également dénoncé les nombreuses
coupes budgétaires effectuées sur leur budget. Dans un communiqué publié
le 06 décembre, elle dénoncée les coupures de 21,5$ millions pour
l’année 2011-2012 et des restrictions pour l’année 2013-2014. La
Fédération déplorait les deux compressions consécutives qui
compromettaient selon elle «certains services actuellement offerts aux
étudiants» .
Il apparait clairement que les acteurs opérationnels voient dans la GAR
une approche de gestion inadaptée au secteur éducatif. En effet, de
nombreux acteurs pensent qu’il est possible d’atteindre l’efficacité par
d’autres moyens plus adaptés au rôle social et aux valeurs de
l’éducation. L’efficience quand a elle semble être une préoccupation
moins partagée et incompatible avec la qualité. Dans tous les cas, la
relative nouveauté de la GAR et ses origines néolibérales semble
orientés en grande partie la perception qu’en ont les acteurs. Dès lors,
il serait utile de mieux investiguer ces perceptions.Back to top
Le défi de l’appropriation de la GAR par les acteurs se pose en
termes d’opportunité de l’approche dans un secteur social et
d’opérationnalisation dans les pratiques quotidiennes d’enseignement et
de gestion. En effet, les préconçus des acteurs influencent leurs
perceptions. Il sera alors utile de cerner ce que la GAR implique en
termes de changement des pratiques des enseignants et des gestionnaires
et la faisabilité de ces changements.
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